21/5/2024
 DANS 
SOCIÉTÉ

Entre progrès et stéréotypes

Les Français et le management au féminin

Étude diffusée en mai 2024

Management au féminin : des progrès, mais du chemin reste à faire

En dépit d’une nette progression dans l’accès aux postes à responsabilités ces dernières décennies et une acceptation largement majoritaire de leur rôle dans la population, les femmes en situation de management restent toujours la cible de stéréotypes de genre.

C’est ce qu’il ressort de l’étude réalisée par l’IFOP à la demande de l’agence spécialisée en data FLASHS et de l’entreprise d’hébergement web Hostinger auprès de quelque 2 500 Françaises et Français.

Si aujourd’hui être dirigé par une femme ou un homme importe peu à 7 actifs sur 10, les remarques sexistes sur la capacité de la gent féminine à diriger et les discriminations dont les femmes se sentent victimes au travail montrent qu’un travail important reste à accomplir dans ce domaine.

C’est d’autant plus nécessaire que les résultats de cette enquête montrent également qu’un nombre non négligeable de femmes s’interdisent d’envisager prendre des responsabilités par manque de confiance en leurs compétences et par crainte de ne pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée.

De fréquentes remarques et insinuations sexistes à l’endroit des dirigeantes

Les propos sexistes visant les femmes en situation de management sont fréquents, insidieux et dégradants. Nombre de salariés en sont témoins dans leur entreprise, notamment les jeunes.

53% des actifs et retraités interrogés ont déjà entendu sur leur lieu de travail des propos sexistes visant une femme manager. Les femmes sont 58% dans ce cas, et parmi elles, 74% des 18-29 ans.

Sous-entendre qu’une femme qui fait preuve d’autorité « a ses règles » figure en haut de la liste des assertions sexistes. Plus du tiers (36%) des répondants l’ont déjà entendue, une proportion qui monte à 50% chez les 18-29 ans ;

Le physique (31%) et les compétences (31%) sont également ciblés ;

Plus du quart (27%) des actifs et retraités ont par ailleurs déjà été témoins de propos laissant entendre qu’une femme en situation de direction avait obtenu son poste en échange de faveurs sexuelles. 31% des femmes le disent contre 21% des hommes.

Un sentiment de discrimination plus présent chez les femmes

Les femmes sont bien plus victimes que les hommes de différentes formes de discriminations durant leur carrière professionnelle, qu’il s’agisse d’obtenir une revalorisation salariale ou de voir leurs missions évoluer.

37% des femmes ont le sentiment d’avoir fait l’objet d’au moins une forme de discrimination sur leur lieu de travail contre un quart des hommes (26%). C’est notamment le cas de celles exerçant des fonctions de management (50%), de celles travaillant dans l’industrie (56%) ou encore de celles âgées de 18 à 29 ans (43%) ;

22% des femmes ont le sentiment d’avoir été discriminées pour obtenir une augmentation de salaire. Les hommes sont 15% à en faire aussi état ;

Elles sont 21% à l’avoir ressenti dans le cadre de l’évolution de leurs missions et 19% pour accéder à un poste à responsabilité ;

17% d’entre elles pensent par ailleurs avoir été discriminées lorsqu’elles souhaitaient une meilleure répartition de leur charge de travail.

Une préférence pour le management au masculin

S’ils sont moins nombreux à le dire qu’il y a 40 ans, un actif sur cinq préfère toujours aujourd’hui travailler sous les ordres d’un homme plutôt que sous ceux d’une femme. C’est particulièrement le cas des jeunes hommes.

70% des Françaises et des Français indiquent aujourd’hui que travailler sous la direction d’un manager femme ou homme leur est égal. Ils étaient moins de la moitié (44%) en 1987 ;

Toutefois, celles et ceux qui préfèrent travailler sous les ordres d’un homme sont nettement plus nombreux (22%) que ceux qui privilégient une manager (8%) :

Plus du tiers (34%) des hommes de moins de 35 ans affichent leur préférence pour un management au masculin, une opinion partagée par 25% des femmes de plus de 35 ans.

De manière plus générale, 29% des actifs jugent qu’il est plus facile de travailler avec un homme qu’avec une femme. C’est notamment le cas de 55% des hommes de 18 à 29 ans.

67% des personnes interrogées estiment que femmes et hommes managent de manière différente. Les femmes sont 71% à le croire.

La difficulté des femmes à faire carrière fait consensus

Les Françaises et les Français sont très majoritairement d’accord pour dire qu’il est plus facile d’accéder à de hautes responsabilités quand on est un homme. Nombre de femmes renoncent par ailleurs à devenir manager par manque de confiance en elles ou parce qu’elles redoutent des conséquences sur leur vie privée.

Les deux tiers (74%) des personnes interrogées considèrent qu’il est plus aisé pour un homme de faire carrière que pour une femme ;

Les femmes sont 79% (contre 68% chez les hommes) à le dire, les catégories socio-professionnelles supérieures 89% et les 18-24 ans 82%.

36% des salariés n’occupant pas actuellement de fonction managériale aspirent à devenir manager ou à intégrer une équipe de direction dans l’avenir. Une aspiration partagée de manière homogène par les femmes et les hommes.

Parmi les femmes qui ne souhaitent pas accéder à de telles responsabilités, 57% estiment ne pas avoir la personnalité d’un manager et 50% redoutent des conséquences sur leur vie privée ;

Ce renoncement trouve sa source pour 44% des femmes dans le sentiment de ne pas se sentir légitimes, une réalité qui touche particulièrement celles dont la mère était femme au foyer (54%).

Le point de vue de l’experte

« Les résultats de cette étude montrent tout d’abord qu’aujourd’hui, le genre des personnes avec lesquelles on travaille, qu’elles soient collègues ou managers, n’est plus réellement un sujet. Cela importe en effet peu, et c’est une bonne nouvelle, à une large majorité des salariés interrogés, ce qui était loin d’être le cas voici une quarantaine d’années.

Cela dit, il est intéressant de noter que certains clivages, que l’on retrouve aussi dans d’autres enquêtes récentes, apparaissent. C’est notamment le cas entre les jeunes hommes et les jeunes femmes qui adoptent de plus en plus sur les questions sociétales des positions divergentes. On voit ainsi dans cette enquête qu’un nombre non négligeable de jeunes hommes affichent clairement leur préférence pour un environnement et un management au masculin, confirmant l’émergence d’une vision plus traditionaliste, voire l’adhésion pour certains d’entre eux à des thèses très masculinistes.  Par ailleurs, et ça n’est pas une surprise, des secteurs d’activités comme la construction laissent encore peu de place à la mixité entre femmes et hommes.

On constate également qu’une large majorité des Français ont conscience qu’il est plus difficile pour une femme de faire carrière en raison de son genre, et qu’il est malheureusement encore courant que les femmes soient victimes de remarques sexistes lorsqu’elles sont en position de direction. Elles subissent aussi dans leur ensemble et plus que les hommes différentes formes de discrimination.

Enfin, s’il est réconfortant de constater que femmes et hommes aspirent dans des proportions similaires à accéder à des postes à responsabilité, les raisons pour lesquelles certaines femmes y renoncent – manque de confiance, sentiment d’illégitimité ou crainte de ne pouvoir assumer vie privée et vie professionnelle – restent marquées par un conditionnement toujours très présent. »

Louise Jussian, chargée d’études Opinion & Stratégies d’Entreprise à l’IFOP

Étude réalisée par l’IFOP pour Hostinger du 7 au 13 mai 2024, par questionnaire autoadministré auprès d’un échantillon de 2 500 personnes (dont 1 254 en activité professionnelle) représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

Photo : Midjourney